L’expédition 7e continent avait pour objectif premier de sensibiliser le grand public à l’état de pollution au plastique du gyre nord-pacifique, et peu à peu une mission scientifique s’est greffée au projet. Patrick Deixonne s’est rendu avec Claire Pusineri (responsable scientifique) et Soizic Lardeux (responsable images et vidéo) dans cette zone d’accumulation identifiée par les images satellite. De retour en France, il témoigne.

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    On estime que 26 millions de tonnes de plastiqueplastique, soit un dixième de la production totale, finissent dans les océans. Le matériaumatériau est dégradé et emporté loin des côtes, dans les grands tourbillons océaniques. Ces gyres accumulent le plastique, et sont souvent qualifiés de continents de plastique. Toutefois, comme le matériau est rapidement dégradé et transformé en microdéchets, la communauté scientifique préfère le terme de « soupe de plastique ».

    Souvent témoin de ce type de pollution, l'explorateur Patrick Deixonne a souhaité alerter le grand public, en lui rapportant des preuves que l'Homme impacte l’environnement même à des milliers de kilomètres de ses terres. Accompagné de Claire Pusineri (biologiste et responsable scientifique) et Soizic Lardeux (responsable images et vidéo), il s'est rendu au mois de mai dans une zone d'accumulation dans l'est du gyre nord-pacifique. C'est le plus grand et donc probablement le plus pollué au monde. De retour sur la terre ferme, il raconte à Futura-Sciences le déroulement de cette expédition 7e continent.

    Durant l'expédition 7<sup>e</sup> continent, le voilier s’est rendu dans la zone d'accumulation est du gyre nord-pacifique. Il a failli rencontrer des déchets du tsunami de Tohoku. © Robin des bois, www.robindesbois.org

    Durant l'expédition 7e continent, le voilier s’est rendu dans la zone d'accumulation est du gyre nord-pacifique. Il a failli rencontrer des déchets du tsunami de Tohoku. © Robin des bois, www.robindesbois.org

    Futura-Sciences : Votre objectif était de vous rendre dans une zone d’accumulation du gyre nord-pacifique, identifiée par les images satellite. Avez-vous réussi à l’atteindre ?

    Patrick Deixonne : Oui, nous nous sommes rendus dans le centre de cette zone d'accumulation, à l'est du bassin Pacifique. Elle se situe à 1.800 km de la côte américaine et il nous a fallu 17 jours de mer pour faire l'aller-retour. Globalement le voyage s'est bien passé, mais nous n'avons pas été gâtés par la météo ! Nous avons fait deux fois demi-tour avant de réussir à maintenir le cap.

    Avant de partir, vous redoutiez de trouver sur votre route des débris du tsunami de Tohoku survenu en 2011, cela a-t-il été le cas ?

    Patrick Deixonne : C'était ma grande préoccupation, oui ! D'autant plus que quelques jours avant le passage du bateau, les satellites avaient repéré la signature de gros objets, non identifiables et probablement issus du tsunami du Japon. Mais nous avons redoublé de vigilance, et ils n'ont pas croisé notre route. Nous étions en contact permanent avec notre routeuse Paola Aliendre, basée au Cnes. Elle traitait toutes les informations satellite issues des entreprises Mercator et My ocean, du Cnes, ainsi que les données radar. Cela nous permettait d'avoir un compte rendu journalier des risques que nous encourions.

    Vous souhaitiez rapporter des preuves visuelles de la pollution au plastique des océans. La zone d’accumulation agglomérait-elle des macrodéchets ?

    Patrick Deixonne : Oui, et je peux vous confirmer que le septième continent existe bel et bien. Évidemment, il n'y a pas de plaque de continent à proprement parler. Mais depuis le pont du bateau, si l'on maintient le regard sur un cap, on croise en moyenne dix macrodéchets par heure. C'est énorme, il faut prendre en compte, que depuis le navire, on voit 150 m d'horizon. Donc, si vous rapportez cette observation sur 24 h et sur toute l'étendue du gyre, c'est monumental. En fin de compte, les photos que nous ramenons ne sont pas forcément sensationnelles, puisque l'on n'y voit pas de plaque, mais lorsqu'on est sur le bateau, le défilé de déchets est impressionnant.

    Un macrodéchet découvert dans la zone d'accumulation. Les mollusques s'en servent au même titre que les rochers ou récifs. © Soizic Lardeux, OSL

    Un macrodéchet découvert dans la zone d'accumulation. Les mollusques s'en servent au même titre que les rochers ou récifs. © Soizic Lardeux, OSL

    Avez-vous réussi à larguer les cinq bouées dérivantes du programme Oceansites, qui donneront des informations sur les courants marins ?

    Patrick Deixonne : Oui, nous y sommes parvenus, mais nous avons eu des ennuis techniques. Sur les cinq bouées d'Oceansites, actuellement, une seule s'est déclenchée. Toutefois, les constructeurs ne sont pas inquiets. Lorsque la bouée est jetée à la mer, elle se déploie et un interrupteur magnétique s'enclenche. Il se peut qu'il soit resté collé sur la bouée mais avec un peu de temps, il finira par s'enclencher. Il est d'ailleurs probable qu'une bouée se soit récemment mise en marche.

    Les élèves ingénieurs de l’Icam ont construit pour la mission la bouée Gyroplastique. A-t-elle recueilli comme prévu deux fois par jour les données de salinité, la fluorométrie et la densité de l’eau ?

    Patrick Deixonne : Hélas, la bouée est tombée en panne dès le début de la mission. Cela restera pour nous la grande déception de notre expédition, mais cela fait partie des aléas. Nous n'avons donc pas pu caractériser la colonne d'eau. Nous n'avions malheureusement pas le matériel à bord pour résoudre le problème du circuit interne. Nous essaierons de faire mieux la prochaine fois !

    Qu’en est-il de la pêche avec les filets Manta ? Et les poissons ?

    Patrick Deixonne : Les filets Manta ont un maillage très fin. Ils permettent de récupérer le phytoplancton et d'évaluer la quantité de microplastiques présents à la surface de l'océan. Nous les avons utilisés dans quatre stations précises. D'abord nous avons prélevé des échantillons à l'extérieur du gyre, c'est notre échantillon témoin qui permet de confirmer que le plastique s'accumule dans les gyres. Ensuite nous avons utilisé les filets à mi-chemin, et dans le centre de la zone.

    À chaque manipulation, le filet est maintenu à la surface de l'eau durant un temps déterminé. Cela nous permet de calculer le volumevolume d'eau qui a circulé dans le filet. Nous pourrons de la sorte quantifier la quantité de plastique au km2. S'il est encore trop tôt pour donner les résultats d'analyse des échantillons, je peux déjà vous garantir que le constat visuel est flagrant. Les gyres sont infestés de macro et microplastiques.

    Claire Pusineri (à gauche) et Patrick Deixonne (à droite) prélèvent le phytoplancton récolté à partir des filets Manta. © Soizic Lardeux, OSL

    Claire Pusineri (à gauche) et Patrick Deixonne (à droite) prélèvent le phytoplancton récolté à partir des filets Manta. © Soizic Lardeux, OSL

    Où sont les échantillons maintenant ? Qui va s’en servir ?

    Patrick Deixonne : Les échantillons sont arrivés en France vendredi dernier (le 21 juin 2013). Ils ont été répartis entre les différents laboratoires partenaires. De même que les bobis, de petites éponges à polluants dont le brevet a été déposé il y a peu de temps. En moins de deux heures, les capteurscapteurs bobis (à base d'organogels poreux) captent et concentrent les polluants transportés par les microplastiques. Nous les avons employés pour évaluer la quantité de polluants apportés par les plastiques trouvés directement dans les océans, mais aussi pour mesurer le taux de polluants dans la chair des poissons. Certains échantillons restent à Toulouse (pour le Cnes, le Legos et Mercator Océan)), d'autres partent en Guyane et à La Rochelle.

    Les résultats des récoltes des filets sont sans appel. Les gyres sont infestés de macro et microdéchets. © Soizic Lardeux, OSL

    Les résultats des récoltes des filets sont sans appel. Les gyres sont infestés de macro et microdéchets. © Soizic Lardeux, OSL

    Que tirez-vous de cette expérience dans le Pacifique ? Et qu’envisagez-vous maintenant ?

    Patrick Deixonne : Durant la mission, il y a eu des moments difficiles. Mais à bord, tout s'est bien passé et ce, en partie grâce à l'équipe qui m'accompagnait. Claire Pusineri (biologiste et chargée scientifique) et Soizic Lardeux (chargé de communicationchargé de communication, son et vidéo) sont deux jeunes mamans qui ont fait preuve de témérité et de courage. Sans elles la mission n'aurait certainement pas eu ce succès !

    Pour la suite, après la frénésie médiatique que nous avons connue à notre retour, je compte bien rentrer chez moi (en Guyane) et me reposer. J'aimerais tirer parti de l'aspect médiatique de la mission 7e continent pour mobiliser des partenaires, et plus de scientifiques afin de monter une mission d'exploration à volet scientifique dans le gyre de l’Atlantique Nord. Je suis content d'avoir réussi à intéresser les médias à notre petite ONG, et d'avoir sensibilisé le grand public au problème majeur qu'est la pollution des océans. J'espère que cela nous permettra de développer encore plus de moyens pour la suite.