Si l’étude des fossiles permet habituellement de se projeter dans le passé, ceux qui se forment aujourd’hui aideront les paléontologues du futur à comprendre cette courte période de l’histoire de la Terre où l'humain a régné en maître. Mais que verront-ils exactement ? Les millions d’années permettront-ils d’effacer la crise climatique et biologique que nous sommes en train de produire ? Pas sûr…


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    Ammonites, trilobites, bivalves ou os de dinosaures... Ces fossiles témoignent d'un temps reculé dans l'histoire de la Terre. Ils sont d'ailleurs des indices précieux qui permettent aux scientifiques de reconstruire les conditions environnementales, l'évolution de la faunefaune et de la flore au fil des millions d'années. L’enregistrement fossile porteporte également les marques des différentes crises climatiques et des événements brutaux et dramatiques qui ont fait vaciller la vie terrestre comme les impacts météoritiques ou les grandes éruptions volcaniqueséruptions volcaniques.

    Les fossiles sont des témoins précieux qui permettent de reconstruire les environnements passés et d'observer l'évolution de la faune et de la flore. © merlin74, Adobe Stock
    Les fossiles sont des témoins précieux qui permettent de reconstruire les environnements passés et d'observer l'évolution de la faune et de la flore. © merlin74, Adobe Stock

    En quelque sorte, il relate l'histoire du monde et nous en ferons partie. Eh oui ! car si les êtres vivants d'hier sont les fossiles d'aujourd'hui, il n'y a pas de raison que nous échappions, nous et notre biosphèrebiosphère, à ce grand processus d'archivagearchivage naturel. Dans quelques millions d'années, des paléontologuespaléontologues du futur, humains ou pas, trouveront peut-être les traces de notre civilisation fossilisées dans les stratesstrates sédimentaires. Mais que verront-ils exactement ? Et que déduiront-ils de cette époque de la Terre où l'Homme a régné en maître sur le monde ?

    Quelles traces fossiles laisseront les perturbations environnementales que nous générons ?

    Sur le site Planet-Terre, le géologuegéologue Pierre Thomas a écrit en 2018 un très intéressant article dans lequel il décrit ce que d'éventuels scientifiques pourraient retrouver comme traces fossiles de notre époque, dans 66 millions d'années. Pour rappel, c'est l'intervalle de temps qui nous sépare actuellement de l’extinction des dinosaures. Il analyse ainsi, suivant nos connaissances actuelles des processus de fossilisationfossilisation, de sédimentationsédimentation et de la conservation des archives sédimentaires au cours du temps, ce qu'il pourrait rester de nos réalisations, de notre activité et, surtout, des perturbations que nous avons introduites dans notre environnement.

    Dans 66 millions d'années il ne restera pas grand chose des traces humaines et elles seront emprisonnées dans quelques strates sédimentaires. © MeanStreets, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Dans 66 millions d'années il ne restera pas grand chose des traces humaines et elles seront emprisonnées dans quelques strates sédimentaires. © MeanStreets, Wikimedia Commons, domaine public

    Un réchauffement climatique non naturel qui ne passera pas inaperçu

    C'est ce dernier point qui nous intéresse particulièrement ici. Le dérèglement climatique laissera par exemple des traces dans les sédimentssédiments. Si le taux de CO2 laisse lui-même peu d'empreintes fossiles, son évolution peut être reconstruite par les traces laissées par l'acidification des océans qui en résulte. Une acidification qui impacte notamment la faune marine, et plus spécifiquement les foraminifèresforaminifères et autres planctonsplanctons à test calcairecalcaire.

    Il est possible que les futurs paléontologues observent ainsi dans les sédiments une transition brutale vers un écosystèmeécosystème marin anormalement pauvre en calcaire, associé à une augmentation inédite de la quantité de 12C dans les restes de matièrematière organique, cet isotopeisotope léger du carbonecarbone étant actuellement rejeté en massemasse par la combustioncombustion des hydrocarbureshydrocarbures fossiles. De même, l'augmentation de la température sera visible grâce à l'analyse isotopique des sédiments, notamment par le rapport 18O/16O, mais également par l'analyse de l'évolution de la distribution de certaines espècesespèces.

    La combustion des énergies fossiles mène à une hausse sans précédent du CO<sub>2</sub> dans l'atmosphère, une évolution qui sera lisible dans les registres sédimentaires. © Parilov, Adobe Stock
    La combustion des énergies fossiles mène à une hausse sans précédent du CO2 dans l'atmosphère, une évolution qui sera lisible dans les registres sédimentaires. © Parilov, Adobe Stock

    Les futurs scientifiques ne pourront donc pas passer à côté de ce changement environnemental majeur qui apparaîtra, dans le condensé historique que représentent les strates sédimentaires, comme excessivement rapide et brutal en comparaison de toutes les périodes géologiques plus anciennes. Le fait que cette évolution climatique soit totalement déconnectée du forçage orbital qui influence normalement le climatclimat terrestre leur indiquera d'ailleurs qu'elle n'est en rien d'origine naturelle. Peut-être même feront-ils le lien avec les rares reliques architecturales et fossiles d'Homo sapiensHomo sapiens qui auront survécu à l'érosion et aux aléas tectoniques.

    Une diminution drastique de la biodiversité visible dans les pollens et fossiles d’animaux

    Plus criant encore sera le bouleversement des écosystèmes, durant ce court laps de temps (en regard des temps géologiques) au cours duquel l'Homme aura régné sur Terre. AgricultureAgriculture et élevage intensifs laisseront en effet certainement des traces. Les futurs paléontologues pourront ainsi voir dans les roches sédimentairesroches sédimentaires une diminution rapide et drastique de la biodiversité.

    Au niveau de la flore, ils observeront par exemple une raréfaction des pollenspollens forestiers, remplacés par une prédominance de pollens de plantes herbacées et notamment de céréalescéréales, de colza et de tournesoltournesol, et par des pollens de résineux. Au niveau de la faune, le schéma sera le même, avec une prédominance d'un très petit nombre d'espèces comme les vaches, les moutons ou les volailles, avec peu de diversité au niveau des races.

    L'agriculture et l'élevage intensifs laisseront des traces fortes dans les registres fossiles comme une baisse drastique de la biodiversité de la flore et de la faune. © Sly, Adobe Stock
    L'agriculture et l'élevage intensifs laisseront des traces fortes dans les registres fossiles comme une baisse drastique de la biodiversité de la flore et de la faune. © Sly, Adobe Stock

    Une homogénéisation sans précédent des espèces sur l’ensemble du globe

    D'un autre côté, comme le souligne cet article dans The Conversation, les futurs paléontologues observeront une homogénéisation des espèces à travers le globe. Une situation, là encore, jamais vue auparavant et liée au déplacement des espèces par les actions humaines, qu'elles aient été intentionnelles (introduction d'une espèce non endémiqueendémique pour l'élevage ou l'agriculture) ou non (propagation d'espèces invasivesespèces invasives via les routes commerciales maritimes par exemple). Encore une fois, ces changements dans la biosphère apparaîtront comme quasi instantanés dans les registres fossiles, d'ici quelques millions d'années.

    Ces marqueurs sont les principaux qui subsisteront dans plusieurs millions d'années. Les villes et autres spectaculaires constructionsconstructions humaines seront vite effritées par les processus d'érosion et d'altération, voire finiront par être remaniées avec la croûte continentalecroûte continentale par les gigantesques forces tectoniques. Il n'en restera que très peu de traces.

    Une crise environnementale brutale et dramatique

    Que concluront les observateurs du futur ? Que là, 66 millions d'années après la disparition des dinosaures, s’est produite une crise majeure et globale, d’une soudaineté inouïe, marquée à la fois par une évolution très rapide du climat et par une perturbation profonde et à grande échelle de la biosphère. Ils identifieront certainement l'Homme comme le responsable de cet « événement dramatique », avant de le ranger aux côtés des autres grands responsables de catastrophes que sont les éruptions massives et les grands impacts météoritiques. Pas très glorieux comme héritage...

    Mais le futur, fort heureusement, n'est pas encore écrit. Il ne tient désormais qu'à nous de ne pas être catalogués comme une simple espèce nocive, mais plutôt considérés pour les formidables réalisations techniques, scientifiques et culturelles que nous avons su produire en si peu de temps. À nous de décider quelle trace nous voulons laisser dans l'histoire de la Terre.