Une nouvelle espèce de scorpion datant de 437 millions d’années a été retrouvée et décrite par des chercheurs. Doté d’un système respiratoire aussi bien adapté à l’eau qu’à l’air, ce pourrait être le chaînon marquant le passage de la vie sur la terre ferme.


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    Le fossile de ce scorpion dormait depuis 35 ans dans une étagère du musée de l'université du Winsoncsin, au centre des États-Unis. Lorsqu'ils décident de l'analyser plus en profondeur, Loren Babcock, professeur à l'université de l'Ohio et son doctorant, Andrew Wendruff, sont loin de se douter qu'ils ont sous la main un chaînon essentiel du vivant. Non seulement Parioscorpio venator est une nouvelle espèce encore jamais identifiée, mais c'est le plus ancien scorpion et le plus lointain ancêtre connu des arachnides : 437 millions d'années, d'après l'étude publiée le 16 janvier dans le journal Scientific Reports. Surtout, il pourrait constituer le chaînon marquant la transition du passage du milieu aquatique au milieu terrestre.

    Le fossile a été découvert dans les sédiments marins côtiers de Waukesha Biota (Wisconsin), dont les couches datent du Silurien, la troisième période du Paléozoïque. Son âge est estimé entre 437,5 et 436,5 millions d’années. © Andrew Wendruff
    Le fossile a été découvert dans les sédiments marins côtiers de Waukesha Biota (Wisconsin), dont les couches datent du Silurien, la troisième période du Paléozoïque. Son âge est estimé entre 437,5 et 436,5 millions d’années. © Andrew Wendruff

    Des euryptérides au scorpion moderne

    Le débat fait ragerage depuis de nombreuses années entre les scientifiques pour savoir si les premiers scorpions étaient des animaux terrestres ou aquatiques. Au début de l'Ordovicien (vers 485 millions d'années), sont apparus les euryptérides, aussi appelés scorpions de mers. Ces derniers vivaient exclusivement dans l'eau et pouvaient atteindre jusqu’à 2 mètres de long. Mais ces animaux appartenaient au groupe des mérostomes (comme les limules) et pas à celui celui des arachnides (comme les scorpions). Jusqu'ici, les fossiles de vrais scorpions n'ont pas permis de déterminer s'ils évoluaient sur Terre ou dans la mer. La réponse pourrait bien être... les deux, d'après les analyses du spécimen étudié par Loren Babcock et son équipe.

    <i>Parioscorpio venator </i>mesure 2,5 cm de long et possède plusieurs caractéristiques du scorpion moderne (à droite), comme un dard, une vésicule à venin et un système respiratoire adapté à la respiration de l’air. © Andrew Wendruff
    Parioscorpio venator mesure 2,5 cm de long et possède plusieurs caractéristiques du scorpion moderne (à droite), comme un dard, une vésicule à venin et un système respiratoire adapté à la respiration de l’air. © Andrew Wendruff

    Ni poumons, ni branchies

    Le record du plus vieux fossile de scorpion (Dolichophonus loudonensis) datait jusqu'ici de 434 millions d'années. Très incomplet, il avait été retrouvé en Écosse. Le fossile de Parioscorpio venator (que l'on peut traduire par scorpion chasseur) est à l'inverse particulièrement bien préservé, avec la plupart de ses organes internes intacts. Les chercheurs ont ainsi pu analyser ses systèmes respiratoire et circulatoire qui sont, du point de vue de la forme, identiques à ceux des arachnides et des scorpions qui respirent exclusivement de l'airair.

    « Mais il est aussi très similaire à ce que nous connaissons chez les arthropodes marins comme les limules. Il semble donc que cette lignée avait la capacité morphologique de faire la transition du milieu marin vers le milieu terrestre avant même d'avoir mis effectivement le pied sur terre, indique avec enthousiasme Loren Babcock. C'est une découverte révolutionnaire. Cela fournit un modèle pour tous les autres animaux qui ont fait cette transition, y compris potentiellement, les animaux vertébrésvertébrés. »

    Néanmoins, il est impossible d'affirmer avec certitude si Parioscorpio venator évoluait effectivement sur la terre ferme, les couches dans lesquelles il a été découvert, dans un site nommé Waukesha Biota (Wisconsin), étant constituées de sédimentssédiments marins déposés près de la côte. Selon Jason Dunlop, spécialiste des arachnides au Musée d'histoire naturelle de Berlin (et non impliqué dans l'étude), il est possible que le scorpion se soit aventuré sur terre pour poursuivre ses proies, essentiellement des insectes primitifs, des millipèdes ou d'autres arachnides.


    Le plus vieil animal terrestre connu du Gondwana est... un scorpion

    Article de Quentin MauguitQuentin Mauguit publié le 05/09/2013

    Un scorpion vieux de 360 millions d'années est devenu le plus vieil animal terrestre connu du GondwanaGondwana. Les restes fossiles de cette nouvelle espèce, une pince et un aiguillon, ont été découverts en Afrique du Sud. La présence du Gondwanascorpio emzantsiensis dans ce pays révèle la complexité de l'écosystèmeécosystème qui y régnait au DévonienDévonien supérieur

    La « terrestrialisation » : ce mot résume une importante étape du développement de la vie sur notre planète. En effet, il désigne la colonisation des milieux terrestres durant le PaléozoïquePaléozoïque. Elle aurait débuté au SilurienSilurien supérieur, voici 420 millions d'années, par la sortie de l’eau des premiers végétaux, qui ont alors profité du Dévonien pour se diversifier et gagner en complexité. 

    Une deuxième vaguevague de colonisation est survenue peu de temps après la première. Elle se composait cette fois d'invertébrésinvertébrés herbivoresherbivores ou détritivoresdétritivores, principalement des insectes primitifs et des millipèdes (des mille-pattesmille-pattes). Plus tard, voici 416 millions d'années avant notre ère, des arthropodesarthropodes prédateurs, des scorpions et des araignéesaraignées, ont eux aussi colonisé les milieux terrestres. Les précédents arrivants sont alors devenus des proies. Les premiers vertébrés, principalement des insectivoresinsectivores, sont pour leur part arrivés 56 millions d'années plus tard, au Dévonien supérieur, concluant ainsi la mise en place d'un écosystème complexe.

    Ces faits sont communément admis, mais un détail à leur sujet est souvent ignoré : toutes les découvertes qu'ils impliquent ont été faites sur d'anciens morceaux de la Laurasie, un continent qui se composait de l'Amérique du nord, de l'Europe et de l'Asie. Il était alors séparé du Gondwana, son pendant constitué par les autres terres émergées, par un profond océan. Les faits ont dorénavant changé, puisqu'un fossile de scorpion vieux de 360 millions d'années a été découvert en Afrique du Sud par Robert Gess, de l'université de Witwatersrand (Wits). Il devient ainsi le plus vieil animal terrestre connu du Gondwana !

    Cet aiguillon appartenait a un <em>Gondwanascorpio emzantsiensis</em>, un scorpion qui a vécu sur le Gondwana voici 360 millions d'années. Plus tard, voici 300 millions d'années, le Gondwana et la Laurasie se sont rejoints, et ont alors formé la Pangée. © <em>University of the Witwatersrand</em>
    Cet aiguillon appartenait a un Gondwanascorpio emzantsiensis, un scorpion qui a vécu sur le Gondwana voici 360 millions d'années. Plus tard, voici 300 millions d'années, le Gondwana et la Laurasie se sont rejoints, et ont alors formé la Pangée. © University of the Witwatersrand

    Un scorpion prouvant l’existence d’un écosystème

    Le fossile a été mis au jour sur le site de la ferme de Waterloo, près de Grahamstown dans la région du Cap-Oriental. Pour être précis, il était enchâssé dans des roches de la formation de Witpoort datant du Famennien, donc vieilles de 374 à 359 millions d'années. Les restes, car il s'agit bien de cela, se composent d'un pédipalpepédipalpe accompagné de sa patelle, et du telson auquel est adjoint le métasoma 5. En d'autres mots, il s'agit respectivement d'une pince et de l'aiguillon de l'animal.

    Présentée dans la revue African Invertebrates, leur analyse est sans appel : ils appartiennent à une nouvelle espèce. Robert Gess l'a nommée Gondwanascorpio emzantsiensis, en référence au continent sur lequel vivait l'animal. Sa découverte est importante, car elle prouve qu'un écosystème complexe s'était développé sur le Gondwana voici 360 millions d'années. En effet, puisque ce scorpion est un prédateur, il devait exister des proies, ainsi que les végétaux requis pour les alimenter.

    Gondwanascorpio emzantsiensis ressemble à des taxonstaxons découverts en Laurasie. Ce fait ajouterait plus de poids à une théorie grandissante : les écosystèmes terrestres du Dévonien devaient être relativement uniformes. Selon l'auteur, ils étaient dominés par des plantes cosmopolites appartenant par exemple au genre Archaeopteris, une progymnosperme. Un dernier détail se veut intriguant, sachant que les scorpions actuels aiment les climatsclimats chauds, voire tropicaux. Or, Gondwanascorpio emzantsiensis vivait à proximité du pôle Sud... Les températures y étaient-elles plus élevées que maintenant ?