Alors que le réchauffement climatique menace la survie des manchots empereurs, des chercheurs annoncent avoir découvert, sur des images satellites de l’Antarctique, onze colonies jusqu’ici inconnues. Des colonies qui ne comptent toutefois qu’un nombre limité d’individus et qui apparaissent particulièrement fragiles.


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    Pour étudier l'Antarctique, les chercheurs du British Antartic Survey (BAS - Royaume-Uni) comptent notamment sur des observations satellites. Il y a un peu plus d'un an, ils constataient ainsi que la deuxième plus importante colonie de manchots empereurs au monde avait atteint un niveau proche de l'extinction. Aujourd'hui, meilleure nouvelle, ils rapportent avoir identifié onze colonies jusqu'ici inconnues grâce aux images de la mission Copernicus Sentinel-2.

    Rappelons que les manchots empereurs se trouvent dans des zones très difficiles à étudier, éloignées et où les températures flirtent avec les -50 °C. Les satellites permettent aux chercheurs de remonter jusqu'à eux par le biais des taches laissées par leur guano.

    Sur cette image de la mission Copernicus Sentinel-2, les taches de guano sur la glace trahissent la présence d’une colonie de manchots empereurs. © <em>British Antartic Survey</em>, Copernicus Sentinel-2
    Sur cette image de la mission Copernicus Sentinel-2, les taches de guano sur la glace trahissent la présence d’une colonie de manchots empereurs. © British Antartic Survey, Copernicus Sentinel-2

    Deux bémols à la bonne nouvelle

    « C'est une bonne nouvelle. Mais ces colonies sont modestes. Elles ne permettent pas de faire monter le nombre total de manchots de plus de 5 à 10 % », prévient Peter Fretwell, géographe, dans un communiqué du BAS. Ce qui porterait l'ensemble de la population à un peu plus d'un demi-million d'individus.

    L'autre bémol, c'est que ces colonies ont été localisées en limite de l'aire de reproduction des manchots empereurs. Dans des régions où les glaces de mer sont menacées par le réchauffement climatique.

    Le fait de trouver des colonies de manchots empereurs à quelque 180 kilomètres des côtes, sur des glaces formées en eaux peu profondes, autour d'icebergs, constitue par ailleurs une surprise pour les chercheurs. Une nouvelle preuve que cette espèce reste encore mal connue.


    1,5 million de manchots Adélie découverts en Antarctique !

    De nos jours, il est souvent question d'espèces qui disparaissent. Cette fois, des chercheurs ont débusqué une étonnante colonie de manchots Adélie. Ils en ont décompté pas moins de 1,5 million dans un archipel de l'Antarctique.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 11/03/2018

    Une étude scientifique a permis de compter quelque 751.500 couples de manchots Adélie dans l’archipel des <em>Danger Islands. </em>© Michael Polito, Louisiana State University
    Une étude scientifique a permis de compter quelque 751.500 couples de manchots Adélie dans l’archipel des Danger Islands. © Michael Polito, Louisiana State University

    Le manchot Adélie doit son nom à la Terre Adélie, secteur dans lequel il a été identifié pour la première fois au début des années 1840. Aujourd'hui, on sait que sa présence se limite à la côte Antarctique et aux eaux environnantes. Mais alors que certaines colonies de l'ouest du continent sont en déclin, des chercheurs viennent de découvrir à quelques dizaines de kilomètres seulement, plus de 1,5 million de manchots Adélie qui n'avaient encore jamais été recensés.

    C'est le satellite américain Landsat qui est à l'origine de cette incroyable découverte. En scrutant ses images, le regard des chercheurs a en effet été attiré par de surprenantes quantités... de guano ! Et une expédition sur place en 2015 a permis de confirmer -- à partir d'observations au sol et d'images prises par drone -- que vivaient là environ 1,5 million de manchots.

    Un manchot Adélie et l’un des drones qui a servi au décompte de la colonie géante découverte du côté des <em>Danger Islands.</em> © Rachael Herman, <em>Stony Brook University</em>, <em>Louisiana State University</em>
    Un manchot Adélie et l’un des drones qui a servi au décompte de la colonie géante découverte du côté des Danger Islands. © Rachael Herman, Stony Brook UniversityLouisiana State University

    Danger Islands, une zone à protéger

    Il était déjà connu que des manchots Adélie vivent sur l'archipel des Danger Islands. Mais pas en si grand nombre. Pourtant, une analyse rétrospective d'images aériennes remontant aux années 1950 montre que ces manchots vivaient déjà -- et en nombre -- dans la région à cette époque.

    L'annonce de la découverte a été accompagnée d'un appel à la Commission pour la conservation de la faunefaune et la flore marines de l'Antarctique pour la protection de cette zone. Car outre le réchauffement climatiqueréchauffement climatique qui semble mettre en difficulté le manchot Adélie à certains endroits, les activités humaines, la pêche en tête, pourraient bientôt venir menacer une espèce jusqu'alors plutôt préservée.


    La population de manchots Adélie augmente grâce au changement climatique

    Le changement climatique profite à certaines colonies de manchots. En effet, par endroits, la banquisebanquise antarctique s'étend, offrant ainsi aux manchots Adélie plus d'espace pour la nidification. Ils ont en outre un meilleur accès à la nourriture. Explications sur cette étonnante rétroaction négativerétroaction négative du climatclimat.

    Article de Delphine BossyDelphine Bossy paru le 09/04/2013

    Le climat change et certains animaux en souffrent. Les étés sont plus longs au pôle Nord et favorisent le déclin des ours polaires par exemple. Sous l'effet du réchauffement de l'atmosphèreatmosphère, nombre d'habitats sont modifiés si rapidement que les espèces animales n'ont pas le temps de s'adapter. Toutefois, dans la bataille du climat, s'il y a beaucoup de perdants, il y a aussi des gagnants. Du côté des végétaux, de plus en plus de cas de prolifération d’algues sont référencés. Puisqu'il y a plus d'ensoleillement, les conditions de bloom phytoplanctoniquebloom phytoplanctonique sont plus souvent observées aux hautes latitudeslatitudes.

    Certaines espèces animales profitent également de la modification rapide du climat. En Antarctique notamment, les glaciersglaciers reculent, mais la banquise s’étend dans certaines zones. C'est le cas au niveau de la mer de RossRoss, où vivent des groupes de colonies de manchots Adélie (Pygoscelis adeliae). L'un de ces groupes, qui s'installe sur l'île Beaufort lors de la nidification, a vu sa population augmenter sensiblement, en particulier depuis 2005.

    Le manchot Adélie vit uniquement en Antarctique. Il passe 90 % de sa vie dans l'eau, et se repose sur les floes (fragments de glace) qui dérivent. © Samuel Blanc, cc by nc sa 3.0
    Le manchot Adélie vit uniquement en Antarctique. Il passe 90 % de sa vie dans l'eau, et se repose sur les floes (fragments de glace) qui dérivent. © Samuel Blanc, cc by nc sa 3.0

    En conditions neutres, les glaciers et falaises abruptes de l'île Beaufort limitent l'expansion de la population de manchots. Mais des chercheurs, ayant publié leurs résultats dans la revue Plos One, ont montré que sur cette île, les manchots Adélie sont en pleine augmentation. Ils révèlent plus précisément que depuis 2005, les juvéniles émigrent de moins en moins de ce milieu, pour au contraire s'y enraciner plus fortement.

    Les polynies, des trous dans la banquise

    Quand les glaciers fondent, ils fournissent par endroits de l'eau douceeau douce, froide et moins dense à l'océan Austral. Toutefois, l'expansion de la banquise n'est pas régulière : elle est criblée de trous appelés polyniespolynies. Ce sont des zones qui restent libres de glace en permanence. En conditions normalesconditions normales, ces trous sont créés par la remontée d'eau chaude liée aux courants, ou par le ventvent catabatique. Ils jouent un rôle essentiel dans l'écologieécologie de l'océan Austral, puisqu'ils permettent aux mammifèresmammifères d'accéder aux krillskrills et aux poissonspoissons.

    La surface occupée par les habitats des manchots Adélie sur l'île de Beaufort a augmenté de 71 % depuis 1958, 20 % de cette extension s'étant produite entre 1983 et 2010. Durant la même période, la population a progressé de 84 %. Cet accroissement pourrait aussi être lié à la prolifération des calandres antarctiques (Pleuragramma antarcticum). En effet, le principal prédateur de ce poisson, la légine antarctique (Dissostichus mawsoni), est de plus en plus pêché, ce qui laisse aux calandres plus d'opportunités de se reproduire. L'abondance de la nourriture et le développement de l'espace pour les petits sont des conséquences du climat et la pêchepêche industrielle. D'autres groupes de manchots d'Adélie n'ont pas cette chance : sur la péninsulepéninsule antarctique, la banquise ne s'étend pas...