Des chercheurs français présentent les résultats obtenus chez des patients atteints d'une maladie génétique du sang très courante et trop souvent mortelle : la bêta-thalassémie. La thérapie a consisté à modifier génétiquement des cellules souches sanguines.

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    Les résultats encourageants de ce traitement auprès de 22 patients étaient présentés mercredi dans la revue New England Journal of Medicine. Il est l'œuvre de l'institut de recherche en génétique parisien Imagine et de l'hôpital Necker (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), en collaboration avec une entreprise américaine de biotechnologiesbiotechnologies, bluebird bio.

    Rare chez les Européens, la bêta-thalassémie est moins connue en Occident que, par exemple, la mucoviscidose.

    Le saviez-vous ?

    La bêta-thalassémie est l'une des maladies génétiques les plus fréquentes : elle touche près de 300.000 personnes dans le monde, surtout originaires d'Asie du Sud-Est.

    « C'est une maladie où le gène de la bêtabêta-globine est muté et ne marche plus du tout ou presque plus, empêchant la production d'hémoglobine. (...) Dans la forme la plus grave, on est totalement anémié, et dépendant d'une transfusion sanguine mensuelle à vie », explique à l'AFP le Pr Philippe Leboulch, fondateur de bluebird bio. Ces transfusions sont contraignantes, provoquant des excédents de ferfer dans le corps qu'il faut réduire par traitement.

    Dans la forme la plus grave, on est totalement anémié, et dépendant d'une transfusion sanguine mensuelle à vie

    En 2010, la même équipe, celle de la généticienne Marina Cavazzana, avait annoncé avoir conçu la première thérapie génique. Des cellules souchescellules souches de la moelle osseusemoelle osseuse du patient avaient été prélevées, puis "corrigées" par insertion d'un gène-médicament en laboratoire, et ensuite réinjectées sur un patient. Cette fois, l'article du New England Journal of Medicine montre que la technique est prête pour un emploi à plus grande échelle.

    Un vecteur apporte le gène-médicament dans les cellules souches

    « On fait de l'addition de gène, pour remplacer celui qui fait défaut, grâce à une sorte de cheval de Troiecheval de Troie qui va amener l'ADNADN thérapeutique », indique le Pr Leboulch. « Pour les patients thalassémiques atteints de la forme grave et sans donneur de moelle compatible, avec des organes encore en bon état, on prélève des cellules souches du sang, on les mélange avec le vecteur, on congèle et on vérifie que le gène est bien rentré dans l'ADN. On décongèle et on place ces patients sous perfusionperfusion pour réinjecter ces cellules souches modifiées », ajoute-t-il. Le vecteur, appelé LentiGlobin, qui véhicule le gène-médicament, est fabriqué par bluebird bio.

    La bêta-thalassémie touche près de 300.000 personnes dans le monde, surtout originaires d'Asie du Sud-Est. © luchschen/Istock.Com

    La bêta-thalassémie touche près de 300.000 personnes dans le monde, surtout originaires d'Asie du Sud-Est. © luchschen/Istock.Com

    Pour le Pr Cavazzana, les résultats sont spectaculaires. Parmi ces patients traités en France, aux États-Unis, en Thaïlande et en Australie, « aucun ne fait de complication. Il n'y a aucun effet secondaire ». La plupart n'a plus besoin de transfusion, d'autres beaucoup moins. Un professeur de l'université du Kent, Darren Griffin, a estimé les résultats « incroyablement prometteurs ». « Une avancée significative », selon ce généticiengénéticien, qui n'a pas participé à l'étude et qui est cité par Science Media Centre.

    Le traitement nécessite une chimiothérapiechimiothérapie, lors d'un à deux mois d'hospitalisation en milieu confiné. Une patiente de 20 ans traitée à Paris, d'origine thaïlandaise, a témoigné de sa « deuxième vie ». « Le traitement était dur, en milieu stérile pendant deux mois. Je ne pouvais pas manger par la bouche. C'était très long de ne pas pouvoir sortir », a-t-elle raconté à l'AFP. « Mais maintenant tout est normal dans ma santé. Je mange de tout, je fais du sport, j'étudie. Enlever les transfusions de ma vie m'a beaucoup soulagée. »


    Premier grand succès de la thérapie génique contre la bêta-thalassémie

    Article de Claire PeltierClaire Peltier paru le 17 septembre 2010

    Après des débuts difficiles, la thérapie géniquethérapie génique reviendrait-elle au premier plan ? Une belle victoire vient en tout cas d'être annoncée par des scientifiques. Un jeune homme atteint de β-thalassémiethalassémie, la maladie génétiquemaladie génétique la plus courante au monde, aurait été guéri grâce à cette technique.

    Chez les personnes en bonne santé, l'hémoglobine est présente principalement dans les globules rougesglobules rouges. C'est un complexe protéique composé de deux chaînes α et de deux chaînes β. Sur chacune, un atome de fer qui donne cette couleurcouleur rouge au sang assure la fixation et le relargagerelargage de l'oxygène. L'hémoglobine est donc essentielle au transport de l'oxygène.

    La β-thalassémie, aussi appelée maladie des globules rouges, est une forme d'anémieanémie héréditaire qui touche chaque année 200.000 enfants à la naissance. Maladie récessive, elle est caractérisée par une mutation portée par les deux chromosomeschromosomes 11 parentaux, qui entraîne l'altération de la chaîne β de l'hémoglobine. Dans ces conditions, le complexe protéique de l'hémoglobine ne se forme pas correctement et le transport de l'oxygène est alors altéré.

    D'un point de vue clinique, sans traitement, la maladie est souvent mortelle avant l'âge de 8 ans. Des transfusions sanguines régulières sont nécessaires pour palier l'anémie, un traitement lourd et non curatifcuratif mais qui rallonge considérablement l'espérance de vieespérance de vie.

    Comme toute maladie génétique, seule une modification du gène altéré permet d'en guérir. Des transplantationstransplantations de cellules souches ont déjà été couronnées de succès, mais le manque de donneurs compatibles est un vrai frein à son expansion. Une équipe de chercheurs, dont Philippe Leboulch (CEA, Inserm, Harvard Medical School) ont tenté une autre méthode : la thérapie génique, soit l'insertion d'un gène médicaments dans les cellules du patient, une méthode qui avait fait ses preuves sur la souris.

    L'hémoglobine est constituée de deux chaînes de la α-globine (rouge) et de deux chaînes de la β-globine (bleu). Les atomes de fer sont au centre des structures « hèmes » (en vert). © Wikimedia <em>Commons</em>

    L'hémoglobine est constituée de deux chaînes de la α-globine (rouge) et de deux chaînes de la β-globine (bleu). Les atomes de fer sont au centre des structures « hèmes » (en vert). © Wikimedia Commons

    Une thérapie reproductible ?

    Ce projet, publié dans le journal Nature, a été réalisé sur un jeune homme de 18 ans atteint de la maladie et bien sûr volontaire. Ce patient, atteint de β-thalassémie βE0, possède un gène permettant la synthèse d'un β-globine instable et un gène non fonctionnel.

    Il y a maintenant 3 ans, Marina Cavazzana-Calvo, de l'université Paris-Descartes, a prélevé des cellules souches de la moelle osseuse du patient, qui donnent naissance aux cellules sanguines et notamment aux globules rouges. Ces cellules ont été mises en culture avec un vecteur de type lentivirus contenant la version saine du gène de la β-globine. L'infection par le lentiviruslentivirus, qui ressemble au virusvirus du SidaSida, entraîne l'insertion du génomegénome viral dans le génome de la cellule et avec lui le gène sain.

    Les cellules possédant le gène médicament ont ensuite été réintroduites dans la moelle osseuse du patient. Environ un an après la transplantation et grâce à l'augmentation constante du taux de β-globine, les transfusions sont devenues inutiles. Malgré une légère anémie résiduelle, la vie du jeune homme, aujourd'hui âgé de 21 ans, s'est réellement améliorée.

    Mais cette réussite est nuancée : la protéineprotéine HMGA2 liée au développement de certains cancerscancers est surexprimée dans certaines cellules transplantées, probablement à cause du site d'insertion du gène médicament. Pour des chercheurs qui n'ont pas participé aux travaux, cet événement pourrait à la fois être à l'origine de la guérisonguérison en favorisant la survie des cellules, mais également devenir un danger pour le patient. Selon eux, il s'agirait d'une guérison survenue suite à des circonstances heureuses et non contrôlées.

    Si la thérapie génique est loin d'être sans risque pour l'instant, une étape importante a néanmoins été franchie. L'augmentation significative du taux de β-globine est une victoire en soi et devrait mener à des essais thérapeutiquesessais thérapeutiques sur une dizaine d'autres patients.