Dickinsonia est un organisme fossile plat, ovale, qui mesurait plusieurs dizaines de centimètres de long et vivait au fond des océans il y a 558 millions d'années. Des chercheurs australiens confirment à partir d’une étude biochimique qu’il appartient bien au règne animal.

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    Il était ovale et plat avec une sorte de dorsale centrale, mesurait plusieurs dizaines de centimètres de longueur et vivait au fond des océans, sans bouche, intestins ni anusanus, il y a un demi-milliard d'années. Des milliers de fossiles de Dickinsonia ont été retrouvés depuis 75 ans sur la planète, mais son appartenance au règne animal (l'un des grands règnes du vivant, avec les plantes, les champignons...) faisait débat dans la communauté scientifique. Était-ce un lichen ? Une amibeamibe ? Un ancien règne disparu ? Des chercheurs de l'université nationale d'Australie (ANU) ont apporté la preuve, selon eux décisive, que la créature était bien l'un des premiers animaux à avoir vécu, en tout cas le plus ancien jamais confirmé. Ils ont décrit leur méthode jeudi dans la prestigieuse revue Science.

    Jusqu'à présent, les paléontologuespaléontologues étudiaient la morphologiemorphologie d'un fossile pour en déduire le type. Ilya Bobrovskiy, doctorant à l'université australienne, a, à la place, analysé des vestiges de moléculesmolécules récupérées sur des fossiles, eux-mêmes trouvés sur une falaise du nord-ouest de la Russie, dans la région de la mer Blanche. Sur ces fossiles, il a retrouvé des molécules exclusivement animales : une forme de cholestérolcholestérol.

    « Le plus dur a été de trouver des fossiles de Dickinsonia contenant encore de la matièrematière organique », explique le chercheur, qui a donc dû aller jusqu'en Russie pour dénicher les spécimens, enfouis dans la roche de la falaise. « Les molécules de graisse fossile que nous avons découvertes prouvent que les animaux étaient grands et nombreux il y a 558 millions d'années, des millions d'années avant ce qu'on croyait », a confié Jochen Brocks, professeur de sciences de la terre à l'ANU. Pour l'université, il s'agit ni plus ni moins du graal de la paléontologie.

    Un fossile de <em>Dickinsonia</em>, une créature vieille de 558 millions d'années, sur une photo non datée fournie par l'<em>Australian National University</em>. © Ilya Bobrovskiy, <em>Australian National University</em>, AFP

    Un fossile de Dickinsonia, une créature vieille de 558 millions d'années, sur une photo non datée fournie par l'Australian National University. © Ilya Bobrovskiy, Australian National University, AFP

    Dickinsonia pourrait être l'ancêtre de nombreux animaux

    D'autres chercheurs ont clamé auparavant avoir résolu le même mystère. En septembre 2017, des chercheurs britanniques s'étaient dits certains du caractère animal de la bête, sur la base de multiples fossiles. Une autre équipe avait conclu en 2015 qu'il s'agissait d'animaux, relativement avancés, en raison de la façon dont leurs corps grandissaient, à la différence des plantes ou champignons.

    C'est la première fois que des marqueurs biologiques sont utilisés pour des fossiles de l'Ediacarien.

    Mais c'est la nature même de la recherche scientifique que de confirmer une hypothèse au fil des années, de multiples fois et selon différentes méthodes.

    « L'article survend un peu la controverse existante », détaille à l'AFP Doug Erwin, paléobiologiste à la Smithsonian Institution, à Washington (États-Unis). Mais, dit-il, « c'est un bon papier ». Il note : « C'est la première fois que des marqueurs biologiques sont utilisés pour des fossiles de l'Ediacarien ».

    L'Ediacarien est la période (-635 à -542 millions d'années) précédant l'ère qui marque, selon les scientifiques, l'apparition rapide de tous les grands groupes d'animaux sur Terre : le fameux évènement du Cambrien, relativement court d'un point de vue géologique, entre 30 et 40 millions d'années.

    C'est précisément pourquoi la confirmation que des animaux ont existé auparavant est si importante. « Pendant longtemps, on s'est demandé si l'évènement était réel, ou si nous n'avions pas réussi à trouver de fossiles plus vieux », indique à l'AFP David Gold, géobiologiste à l'université de Californie à Davis (Californie, États-Unis) et l'un des auteurs de l'étude de 2015. « Cet article apporte une nouvelle très bonne preuve que les animaux sont beaucoup plus vieux que le Cambrien », ajoute-t-il. Les espècesespèces du type Dickinsonia seraient donc « l'ancêtre de plusieurs formes de vie animales d'aujourd'hui », poursuit-il. Cela n'est pas encore vérifié, mais il suggère que les vers et les insectesinsectes puissent en descendre.

    La biochimie, un outil de recherche en paléontologie

    Les travaux publiés jeudi consacrent aussi une sorte de renaissance de la paléontologiepaléontologie, avec le recours à des outils qui permettent de retrouver des composés organiques vieux de centaines de millions d'années. Dans les bonnes conditions, les scientifiques peuvent désormais trouver des protéinesprotéines ou des pigments pour identifier la couleurcouleur des dinosauresdinosaures, précise David Gold, ou, dans ce cas, du cholestérol, une molécule à base de carbonecarbone.

    Prouver que Dickinsonia était animal ne marque pas la fin du mystère. On ignore encore comment il se nourrissait (sans bouche) ou se reproduisait. Surtout, des calculs statistiques sur l'ADNADN laissent penser que le règne animal remonte à 720 millions d'années. Il reste donc un fossé de quelque 160 millions d'années à combler, jusqu'à l'apparition de cette créature plate et ovale.


    Les animaux sont bien plus vieux que prévu !

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 5 juillet 2012

    Une équipe canadienne affirme avoir découvert la trace des plus anciens animaux connus à symétrie bilatérale, donc avec un côté gauche, un côté droit, un avant et un arrière. Bref, nos ancêtres ou des cousins de nos ancêtres. Ils rampaient il y a 585 millions d'années, soit 30 millions plus tôt que prévu. Qui étaient-ils ? Mystère.

    C'est en Uruguay qu'une équipe de paléontologues canadiens a découvert de curieuses traces fossilisées dans ce qui a dû être un sédimentsédiment reposant sous des eaux peu profondes. Délicate, la datation a pris du temps et les scientifiques ont dû étudier les restes granitiques qui entouraient ces sédiments sableux. Résultat : -585 millions d'années.

    Deux fossiles d’embryons datant de 600 millions d'années et extraits de la formation Doushantuo en Chine du Sud. © Shuhai Xiao

    Deux fossiles d’embryons datant de 600 millions d'années et extraits de la formation Doushantuo en Chine du Sud. © Shuhai Xiao

    La surprise fut grande car ces modestes traces, examinées de près, ont montré qu'elles sont l'œuvre d'un animal rampant. L'organisme qui les a laissées avait une musculature adaptée à la progression dans un sédiment mou et ses mouvementsmouvements seraient ceux d'un animal cherchant de la nourriture, selon les auteurs de l'étude parue dans Science.

    Les scientifiques l'affirment : ces traces sont celles d'un bilatérienbilatérien, c'est-à-dire d'un animal à symétrie bilatérale, ce qui, pour l'époque, est ultramoderne et même avant-gardiste. Les grands animaux actuels, dont nous sommes, sont tous des bilatériens. Les médusesméduses, par exemple, font exception mais même les échinodermes (oursinsoursins et étoilesétoiles de mer) sont des bilatériens, car leurs larveslarves le sont. D'autres détails, embryonnaires et anatomiques, sont communs aux bilatériens. Une tête, un corps, des pattes : voilà qui définit aussi bien une crevette qu'un bonobobonobo.

    Les traces retrouvées par les paléontologues de l'université d'Alberta. La pièce de 10 cents mesure 18 mm de diamètre. L'animal était donc de taille très modeste... © Université d'Alberta/Richard Siemens

    Les traces retrouvées par les paléontologues de l'université d'Alberta. La pièce de 10 cents mesure 18 mm de diamètre. L'animal était donc de taille très modeste... © Université d'Alberta/Richard Siemens

    L'Édiacarien et sa faune mystérieuse

    Les premiers animaux garantis bilatériens connus jusque-là étant plus jeunes de 30 millions d'années, la découverte en est vraiment une. Elle nous plonge dans cette époque extraordinaire, avant que n'émergentémergent, lors de « l'explosion cambrienne », vers -530 millions d'années, tous les grands plans d'organisation des actuels bilatériens. Avant cette époque, on connaît la célèbre mais énigmatique faune d’Ediacara, du nom des collines d'Ediacara, en Australie. Apparus vers -585 millions d'années, ces organismes, qui ont donné leur nom à l'époque où ils prospéraient, l'Édiacarien, ne ressemblaient à aucun animal actuel. Au Cambrien, ces organismes semblent avoir complètement disparu.

    Des traces d'animaux discoïdes ont été repérées sur des roches datées de 600 millions d'années et, dans la formation Doushantuo, en Chine, des restes d'embryonsembryons et d'œufs vieux de 580 millions d'années montrent que les animaux (ou métazoairesmétazoaires) existaient déjà avant le Cambrien. Bien plus loin encore, il reste cette énigme gigantesque : des traces de métazoaires fossiles retrouvés dans une mine au Gabon par Abderrazak El Albani (laboratoire Hydrasa, CNRS) et Frantz Ossa Ossa. Ils dateraient, eux, de 2,1 milliards d'années.

    D'après les paléontologues canadiens, cet animal rampant (ressemblait-il à un ver ou une limace ?) serait bien apparenté aux actuels bilatériens, démontrant que l'apparition de phylumsphylums actuels (les grandes lignées) a pu démarrer durant l'Édiacara, donc avant le Cambrien.