L’Ifremer vous propose de suivre le périple de plusieurs dizaines de tortues marines de l’océan Indien. À l’initiative, une équipe de chercheurs basée à la Réunion qui souhaite comprendre davantage leurs migrations afin de mieux les protéger. Jérôme Bourjea, le responsable des projets « tortues marines » nous évoque la situation.

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    Si vous ne savez pas quoi faire sur InternetInternet, pourquoi ne pas suivre en direct le périple de plusieurs tortues de l'océan Indien ? L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'Ifremer, a en effet équipé quelque 150 tortues marines de l'océan Indien de balises ArgosArgos, avec l'objectif d'atteindre les 200 à la fin de l'année. Sur les cinq espèces présentes dans le sud-ouest de l'océan Indien, ce sont surtout des tortues vertes et caouannes qui ont été balisées. On compte également une olivâtre, mais pas de tortues luths et imbriquées pour l'instant.

    Depuis 2007, les chercheurs de l'Ifremer et Kélonia, l'observatoire des tortues marines de La Réunion, les suivent à la trace afin de comprendre leurs migrations de même que les menaces qui pèsent sur elles et ainsi assurer un suivi et une meilleure gestion internationale de ces espèces migratrices.

    Au-delà de l'aspect ludique de cette initiative, il y a tout un travail de recherche en profondeur dont le principal intérêt est d'améliorer les connaissances d'espèces qui ne sont pas très connues dans l'océan Indien de façon à « mieux les comprendre pour mieux les protéger », nous explique Jérôme Bourjea, ingénieur halieute et biologiste marin à l'Ifremer. Ce tracking est un outil indispensable pour les suivre, car ces « animaux solitaires sont capables de parcourir jusqu'à 4.500 km et traverser les mers de neuf pays ! »

    Une tortue marine de la Réunion sur laquelle vient d’être installée une balise Argos afin de la suivre et la localiser à tout moment. © Ifremer, J. Bourjea

    Une tortue marine de la Réunion sur laquelle vient d’être installée une balise Argos afin de la suivre et la localiser à tout moment. © Ifremer, J. Bourjea

    Espèces en danger

    Ces tortues de l'océan Indien sont classées espèces menacées et inscrites sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN)). Leur disparition aura des répercussions car les tortues marines, « comme toute autre espèce marine », ont un rôle dans leur écosystème avec des conséquences, par exemple dans le cas de la tortue verte, sur la flore marine, notamment les herbiers marins.

    Ces herbiers sont parmi les écosystèmes côtiers les plus répandus au monde, ils recouvrent de 0,1 à 0,2 % du fond des océans et les systèmes biologiques les plus productifs. Les tortues marines contribuent à leur préservation en « broutant et cassant l'herbe dont elles se nourrissent, ce qui profite à d'autres espèces marines ». Leur disparition entrainerait de facto une chute de la biodiversitébiodiversité, car il s'agit d'un « maillon essentiel à la survie de nombreuses espèces (habitat, nurseries, refuge, site d'alimentation) ».

    Ce qui est navrant dans leur extinction annoncée, c'est que ces tortues marines « ont très peu de prédateurs naturels lorsqu'elles sont adultes ». Elles sont vulnérables dès leur naissance et aux premiers instants de leur vie. Si elles passent le cap de l'enfance, elles ont une vie plutôt tranquille par la suite. Les seuls risques auxquelles elles s'exposent sont le braconnage, la dégradation et l'anéantissement de leurs habitats. Deux causes qui sont à l'origine de la disparition et de la mise en danger de nombreuses espèces à travers le monde.

    Quant à l'impact de la pêche industrielle, bien qu'il n'existe pas de données précises, il est évidemment préoccupant, car le « taux de survie lié aux captures accidentelles est généralement très faible ». Seule une étude récente sur les effets de la pêchepêche thonière, sur les captures des sept espèces de tortues marines présentes dans ces deux océans, a été menée. La bonne surprise est que le taux de capture est très faible. Seul un « petit nombre de tortues restent coincées dans les filets et en plus, au moins 75 % de celles pêchées accidentellement sont relâchées vivantes. »

    L'autre grand attrait de l'étude des tortues marines est économique. Pour améliorer la conservation de cette espèce et préserver leur habitat naturel, une des pistes consiste à « sensibiliser et impliquer les populations des pays concernés » en leur proposant des alternatives économiques comme le « développement de l'écotourismeécotourisme et de sites écotouristiques ».

    L'intérêt de l'étude des tortues ne peut évidemment pas se résumer à ces quelques lignes. Mais si le sujet vous intéresse, en octobre paraitra aux éditions Regard du Vivant, Des tortues et des îles - Voyage au cœur de l'Océan Indien. Écrit par Jérôme Bourjea et Hendrik Sauvignet, ce livre de 240 pages et 150 photos originales retrace douze années d'études des tortues marines et d'écosystèmes récifaux dans les îles sauvages de l'océan Indien.